- esthétiser
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• 1870; de esthète1 ♦ V. intr. Péj. Vouloir à tout prix faire de l'esthétique. « des confrères [...] esthétisant prétentieusement » (Goncourt).2 ♦ V. tr. Rendre esthétique, conforme à un idéal de beauté (⇒ esthétisation) .⇒ESTHÉTISER, verbe intrans.S'engager dans des discussions subtiles et prétentieuses à propos d'art. Cathos a ses jeudis, (...) son « armée de poètes », au milieu desquels elle esthétise et raffine (LÉAUTAUD, Théâtre M. Boissard, 1943, p. 141) :• ... et elle était complétée, cette fureur, dans mon rêve, de ce que je me trouvais mêlé dans une grande salle à des confrères tondus comme des guillotinés, aux mains exsangues et esthétisant prétentieusement, le monocle dans l'œil, des confrères correctement sinistres, comme des Baudelaires et comme mon avocat Doumerc.GONCOURT, Journal, 1876, p. 1149.— Esthétiser sur qqc. ou qqn. Développer une théorie, un jugement esthétiques sur un créateur. Hugo esthétise ainsi sur Michel-Ange, Rembrandt, Rubens, Jordaens, qu'il met, par parenthèse, au-dessus de Rubens (GONCOURT, Journal, 1876p. 1126).Rem. 1. RHEIMS 1969 atteste a) Un emploi trans. « rendre d'une beauté inhabituelle à la nature » au part. passé : Cette chair offerte esthétisée encore par la magnificence et la bizarrerie du cadre (J. LORRAIN, Fards et poisons, p. 239). b) Un emploi pronom. « prendre une beauté délicate, inhabituelle à la nature » : Et c'était là une telle harmonie distinguée, franche et réservée, que ce tableau de nature s'esthétisait (Francis POICTEVIN, Ombres, p. 5). Cf. esthétique I. 2. On rencontre ds la docum. a) Esthétiseur, subst. masc. Celui qui esthétise. Quel drôle de type d'Italien que ce Gégé, ce conteur de fleurettes, cet esthétiseur de cours d'amour, ce mou et paresseux cultivateur de la « petite oie », en lequel éclatent tout à coup des imaginations farces et des polichinelleries burlesques! (GONCOURT, op. cit., 1879, p. 47). b) Dans le même sens, esthétiqueur, subst. masc., rare. Quels sont les plus beaux portraits d'enfants? Ma situation est celle-ci : un esthétiqueur qui fait le portrait d'un « enfant mort », et se livre, devant la mère, à un débagoulage artistique indélicat, le tout pour briller (FLAUB., Corresp., 1869, p. 172).Étymol. et Hist. 1870 (GONCOURT, op. cit., p. 595). Dér. de esthète; suff. -iser avec infl. de l'angl. to aestheticize (1864 ds NED). Fréq. abs. littér. :8. Bbg. QUEM. DDL t. 2 (s.v. esthétiqueur). Prononc. :[
], [e-].
esthétiser [ɛstetize] v.ÉTYM. 1870; de esthète (2.).❖1 V. intr. (Péj.). Vouloir à tout prix faire de l'esthétique.1 Alors que tout flambait sur le territoire (…) ces pacifiques messieurs « esthétisaient » en ripaillant dans de petits coins abrités, l'un (Goncourt) prenant des notes littéraires et l'autre (Renan) vociférant contre les vaincus.Léon Bloy, Belluaires et Porchers, p. 84.♦ ☑ Loc. Esthétiser sur (qqn, qqch.), en parler en termes d'esthétique.2 V. tr. Rendre esthétique, rendre conforme à un idéal de beauté. || « La beauté technique esthétise la technicité » (G. Simondon, Du mode d'existence des objets techniques, p. 197).♦ Pronominal (réciproque) :2 (…) il y a une beauté religieuse qui représente, à l'intérieur de la pensée religieuse, la recherche d'une force complémentaire visant à retrouver l'unité magique rompue, comme il y a dans la pensée technique une recherche de la beauté par laquelle l'objet technique devient prestigieux; le prêtre tend à être artiste comme l'objet technique tend à être objet d'art : les deux médiateurs s'esthétisent pour trouver leur équilibre conforme à l'unité magique. On doit cependant bien remarquer que cette esthétisation prématurée, dans le cas de la religion comme dans celui de la technique, tend à une satisfaction statique, à un faux achèvement avant une spécification complète; la vraie technicité et la vraie religion ne doivent pas tendre à l'esthétisme, qui maintient par compensation une assez facile unité magique, et conserve ainsi magie et religion à un niveau de développement très peu avancé.Gilbert Simondon, Du mode d'existence des objets techniques, p. 197.❖DÉR. Esthétisation.
Encyclopédie Universelle. 2012.